Rebond : le sport pour vivre à nouveau

Fanny Trifilieff : De quel constat êtes-vous partis pour penser ce projet de recherche ?

Sarah Calvin : Il s’agit de la rencontre entre deux expertises. D’un côté, nous nous intéressions aux déterminants psychosociaux de la performance sportive de haut niveau, notamment la relation interpersonnelle entre entraineur et entrainé. Nous savons que dans la performance sportive de l’athlète, l’intervention de l’entraineur est primordiale. Au-delà du sport, c’est la confiance, la communication, la coopération et l’engagement qui entrent en jeu pour maintenir la motivation et le bien-être du sportif. C’est justement grâce à ces aspects que nous sommes entrés en contact avec les médecins de l’Institut Paoli-Calmettes (IPC). Eux constataient que les patients en rémission d’un cancer avaient du mal à se projeter, à changer leur identité de « malade » pour réinvestir leur nouvelle vie. Nous avons donc fait le parallèle avec le contexte sportif afin de remotiver ces patients en rémission via un accompagnement inspiré du coaching sportif. Ces questions autour de l’accompagnement social des patients post-cancer ont justifié la création de notre unité de recherche « Management sport Cancer » dirigée conjointement par les Professeurs Patrice Viens et Pierre Dantin.

F.T : Parlez-nous du programme Rebond.

S.C : Ce programme a été élaboré en collaboration avec le Pr Didier Blaise qui dirige le programme de thérapie cellulaire de l’IPC et qui est également membre de notre unité de recherche. Le 1er programme Rebond concernait un groupe d’une trentaine de patients ayant reçu une greffe de moelle osseuse suite à un cancer hématologique. Le parcours de greffe est lourd et impose des périodes d’hospitalisation protégée. L’après-greffe comporte aussi ses difficultés et contraintes. Eloigné de la structure hospitalière, le patient doit être autonome dans la suite des soins. La période de consolidation immunitaire perturbe un retour à la vie sociale. Les patients manifestent souvent un besoin de soutien social. Dans ce contexte, nous avons mis en place le programme Rebond : proposer 6 mois après la greffe, des séances de coaching personnalisées hors du contexte hospitalier, à raison d’une séance par mois. Le tout pour favoriser le rétablissement psycho-social des patients. Durant ce premier programme, nous avons testé sa faisabilité. Le dispositif aide les patients à faire plus sereinement la transition entre la période hospitalière et le retour à leur vie. Passer par une pratique sportive, symbole de vitalité, a des impacts positifs puisqu’elle favorise la réappropriation de son corps suite à la maladie et la confiance en soi.

F.T : Quelles sont les prochaines étapes ?

S.C : Nous évaluons actuellement l’efficacité du dispositif auprès d’une centaine de patients. Désormais, le programme est proposé dès 3 mois post-greffe et nous étudions l’effet sur la qualité de vie des participants. Comme précédemment, le coach aide à mettre en place des objectifs adaptés à chaque patient afin de créer un parcours personnalisé leur donnant les ressources pour reprendre le contrôle de leur vie. L’inclusion, dans notre équipe de recherche, d’anciens patients-partenaires apporte une plus-value pour la pertinence de nos réflexions de recherche. Ce projet a reçu le soutien financier de l’Institut National de Cancer, actant la pertinence de ce type d’intervention dans le parcours du patient. En parallèle, avec la faculté de sciences médicales et paramédicales, nous avons ouvert le certificat universitaire « Sport de haut niveau et coaching en oncologie » ouverts aux anciens patients, aux médecins, aux professionnels de l’accompagnement, aux sportifs de haut niveau. Grâce à cette expérience, couplant activité physique adaptée et coaching d’autres projets ont été mis en place. Nous élargissons à d’autres types de cancers, et grâce au soutien de la Région Sud, nous portons désormais une attention particulière aux besoins des patients adolescents et jeunes adultes.