Étudier la biodiversité aquatique passée grâce aux peintures

Fanny Trifilieff : Pouvez-vous présenter le projet BIODIVAQUART ?

Anne-Sophie Tribot et Thomas Richard : « BIODIVersité AQUatique dans l’ART » a pour but d’étudier les œuvres d’art et de les utiliser comme témoignages de la biodiversité du passé. Partant du constat que nous disposons de peu de données concernant les états des populations aquatiques présentes par le passé, nous nous sommes intéressés à l’art comme source d’information. Une approche d’écologie historique est importante pour la conservation de la biodiversité, car ce n’est pas possible de restaurer les écosystèmes et les exploiter durablement sans connaître leur état avant dégradation. Cette approche d’analyse permet de renseigner cet état de référence. Pour récolter le plus d’œuvres possibles, nous avons ajouté une dimension participative où chaque personne peut déposer des images d’œuvres via le site internet dédié (voir fin d’article ndlr). La collection s’enrichit donc d’œuvres provenant de collections privées ou pas encore numérisées.

F.T : Comment fonctionne cette approche d’écologie historique ?

A-S.T et T.R : La prospection d’œuvres d’art dans les musées ou sur les bases de données en ligne va nous permettre d’accumuler de la donnée. Plus nous récolterons d’œuvres, plus nous aurons de données qui pourront apporter de la robustesse à notre analyse et témoigner de changements. Nous appelons tout le monde à participer en partageant des images d’œuvres représentants de la biodiversité aquatique d’eau douce et marine. Puis, nous identifions les espèces présentes afin de pouvoir en tirer certaines tendances grâce aux statistiques et déterminer ce qui aurait pu se passer à l’époque en termes de changements de cette biodiversité. Les variations statistiques sont ensuite croisées et interprétées au regard d’autres disciplines, telles que l’histoire, qui permettent de renseigner les paramètres qui peuvent entrer en ligne de compte pour qu’un poisson soit représenté sur un tableau donné. Le lieu et la date de création du tableau, ainsi que ce qui y est représenté, apportent des informations sur la façon dont l’espèce a pu être transportée, conservée, consommée, ou encore sur les préférences alimentaires ou les préceptes religieux. Autant de paramètres environnementaux et humains interrogés pour apporter des éclairages sur ces représentations.

F.T : Quelles découvertes ont été réalisées ?

A-S.T et T.R : A l’échelle européenne, nous observons une tendance globale à la diminution de quasiment toutes les espèces identifiées durant la période XVIème-XVIIIème, surtout en eau douce. Les causes peuvent être multiples et sont appuyées par de la documentation historique : assèchement des marais, construction de barrages, aménagement des fleuves, phénomènes de surpêche… Le tout depuis l’époque médiévale. Au niveau méditerranéen, nous observons l’apparition dans les tableaux d’espèces typiques des fonds marins ce qui est corrélée avec le développement de nouvelles techniques de pêche. L’identification de certaines espèces de calamar ou bien de mulet met en évidence les préférences alimentaires correspondant à une identité culturelle dite « méditerranéenne ». Les peintures ont finalement tant de choses à nous raconter lorsqu’on se penche dessus !

Pour participer au projet en envoyant une œuvre rendez-vous sur leur site.