Aller au contenu principal
PIIM_pentasilicene_header

Penta-silicène : une nouvelle brique pour l’ordinateur quantique

Des recherches effectuées au Laboratoire Physique des Interactions Ioniques et Moléculaires (PIIM, AMU/CNRS) pourraient donner la possibilité de développer une plateforme innovante pour les ordinateurs quantiques.

Temps de lecture : 4 minutes

Ce qu'il faut retenir : 

  • Là où les ordinateurs classiques utilisent des bits (0 ou 1), les ordinateurs quantiques utilisent des qubits qui superposent simultanément les deux états (0 et 1) et peuvent être trop élusifs du fait de la température et des interactions avec l’environnement. 
  • Les fermions de Majorana sont un système physique des quasi-particules qui permettrait de réaliser des qubits, mais il faut des conditions très particulières pour obtenir des états liés de Majoranas (MZMs). 
  • Deux chercheurs du Laboratoire PIIM proposent une nouvelle plateforme utilisant des nanorubans de penta-silicène pour obtenir des MZMs et réaliser des qubits en physique de la matière condensée. Une idée particulièrement innovante car le silicium est le matériau par excellence de la microélectronique et des composants des ordinateurs classiques.

Ordinateur quantique, qu’est-ce que c’est ?

Alors qu’un ordinateur classique effectue ses calculs en manipulant des bits, c’est-à-dire des 0 et des 1, un ordinateur quantique utilise des qubits : des superpositions simultanées de ces deux états. Il se pourrait donc que les ordinateurs quantiques soient beaucoup plus rapides que les ordinateurs classiques pour effectuer certaines tâches, mais doivent pour cela disposer d’un grand nombre de qubits. Or plus le nombre de qubits est élevé, plus la superposition des états quantiques est fragile, ce qui peut mener à une disparition précoce de l’information.

L’un des défis majeurs dans le domaine des ordinateurs quantiques est la nécessité de maintenir les qubits dans un état stable suffisamment longtemps. A l’heure actuelle, cela requiert des températures extrêmement basses, proches du zéro absolu (-273 degrés Celsius). 

Une autre difficulté réside dans la capacité à isoler le système quantique, car l’interaction des qubits avec l’environnement mène à la perte de leur caractère quantique (ou décohérence) ce qui les ramène à l’état de bits classiques. 
 

Réaliser les qubits grâce aux fermions de Majorana

L’article, dont deux chercheurs du Laboratoire Physique des Interactions ioniques et Moléculaires sont co-auteurs, ouvre la possibilité de développer une plateforme innovante pour les ordinateurs quantiques. Les nanorubans de silicium de cette plateforme pourraient héberger des fermions de Majorana, des particules théorisées un peu avant la Seconde Guerre mondiale.

Ces fermions de Majorana, ou Majoranas, dont la spécificité est d’être à la fois une particule et sa propre antiparticule (à l’image du qubit qui superpose deux états simultanés), ont été recherchés sans succès pendant des dizaines d’années en astrophysique. Les recherches se sont ensuite poursuivies en physique de la matière condensée, où des Majoranas pourraient exister dans des supraconducteurs topologiques et permettre de réaliser des qubits utilisables au sein des ordinateurs quantiques.

Il a été, en effet, démontré que des états liés de Majoranas (MZMs pour Majorana Zero Modes) pourraient se nicher aux extrémités de nano-fils de semiconducteurs à proximité d’un supraconducteur classique et placés dans un champ magnétique. C’est pourquoi de tels nano-fils partiellement recouverts d’aluminium ont été fabriqués, afin de pouvoir détecter les MZMs par mesures de transport à très basse température.

Les MZMs auraient dû se comporter comme des anyons et non pas comme des fermions habituels, permettant ainsi la réalisation de qubits robustes vis-à-vis de la décohérence, un atout majeur pour la réalisation des ordinateurs quantiques. Cependant, les espoirs ont été vite déçus, car les défauts inhérents aux nano-fils ainsi fabriqués empêchent d’obtenir Majoranas. 
 

Proposition théorique d’une nouvelle plateforme

Pour surmonter ce problème, les deux chercheurs du PIIM ont proposé d'utiliser un système quasiment sans défauts : des nanorubans de penta-silicène, un arrangement linéaire massivement parallèle de pentamères* de silicium formés et auto-assemblés à température ambiante. 

Ces nanorubans, déjà observés expérimentalement par différentes équipes à travers le monde peuvent être détachés de leur substrat notamment grâce à la pointe du microscope, ce qui prouve leur faible interaction avec leur environnement. Ils pourraient constituer une plateforme prometteuse pour la recherche de MZMs. 
 

Schéma en vis à vis d'une image de nanorubans de penta-silicène sur la surface d’un cristal d’argent observés par microscopie à effet tunnel
PIIM_Penta-silicene_illustration

Nanorubans de penta-silicène sur la surface d’un cristal d’argent, observés par microscopie à effet tunnel.

Les deux chercheurs du PIIM ont donc travaillé avec l’équipe de M. S. Figueira à l’Universidade Federal Fluminense au Brésil pour démontrer théoriquement que ces nanostructures insolites, placées sous champ magnétique et à proximité d’une couche de plomb (métal non-réactif et supraconducteur usuel avec une température critique de 7,2 Kelvin, soit -265,95 degrés Celsius) devraient héberger des MZMs à leurs extrémités où ils pourraient être détectés in situ par spectroscopie à effet tunnel. Des qubits pourraient être ainsi réalisés et éventuellement aisément manipulés grâce à ces nanorubans très étroits (0.8 nm de large) d’épaisseur atomique et à leur extraordinaire réseau dans le but de développer un nouveau type d’ordinateur quantique.

Cette étude ouvre donc la possibilité d’une nouvelle architectonique, facile à réaliser et basée sur le silicium, le matériau par excellence de la microélectronique et des composants des ordinateurs classiques. Il reste désormais à démontrer expérimentalement que tout cela est réellement possible, une tâche difficile mais enthousiasmante ! 

Contact à ajouter
Nom
Nom
Minissale
Prénom
Marco
Fonction
Fonction
Chercheur CNRS au Laboratoire Physique des Interactions Ioniques et Moléculaires (PIIM, AMU/CNRS)