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Vue aérienne d'une forêt de mangroves en Gambie
Mangroves en Gambie

Radiocarbone : étudier le climat passé et prédire le futur

Edouard Bard , climatologue au CEREGE (AMU, CNRS, IRD, INRAE, Collège de France), professeur au Collège de France et membre de l’Académie des Sciences, nous raconte pourquoi enregistrer les variations du radiocarbone (14C) est essentiel pour comprendre l'histoire du climat de la Terre, son champ magnétique et l'activité du Soleil.

Temps de lecture : 3 minutes

Fanny Trifilieff : Pouvez-vous rappeler le principe de la datation au radiocarbone (14C) et ses liens avec le climat ?

Edouard Bard : Le radiocarbone est la méthode de datation la plus utilisée pour la période des 50 000 dernières années. Elle est fondée sur la désintégration radioactive du 14C produit originellement dans la haute atmosphère par interaction avec les particules du rayonnement cosmique. La teneur en 14C d'un échantillon fossile est comparée à la teneur atmosphérique en 14C, qui constitue la référence de départ, avant sa disparition régulière par désintégration radioactive sur une période de 5 700 ans. Dans sa forme originale, la datation radiocarbone n'est pas exacte car la teneur atmosphérique en 14C ne reste pas constante au fil du temps. Cette teneur a varié en raison des changements du taux de production par les rayons cosmiques, ainsi que des réarrangements du cycle biogéochimique du carbone.

F.T : D'où vient la nécessité d’enregistrer les variations du 14C atmosphérique dans le passé ?

E.B : L’enregistrement des variations naturelles du 14C est essentiel pour notre compréhension des fluctuations des champs magnétiques du Soleil et de la Terre, ainsi que du cycle biogéochimique du carbone en lien avec le climat. La série précise du 14C atmosphérique remontant à 50 000 ans permet d’étudier et de simuler les processus terrestres et d’améliorer les modèles informatiques utilisés pour les projections du changement climatique actuel. En effet, les simulations climatiques compilées par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) s'appuient sur le 14C comme indicateur de l’activité solaire et comme traceur du cycle global du carbone, ainsi que comme chronomètre pour la plupart des séries paléoclimatiques des 50 000 dernières années. Le 14C est donc crucial pour comprendre et se préparer aux futurs changements climatiques.

Le 14C nous renseigne aussi sur l’occurrence dans le passé d’éruptions solaires extrêmes, avec des amplitudes beaucoup plus grandes que celles observées par les astronomes. De tels événements pourraient endommager de façon catastrophique nos satellites, ainsi que les réseaux électriques et de télécommunication.

F.T : Quelles sont les perspectives de ces recherches menées au CEREGE ?

E.B : L’unité dédiée à l’étude du radiocarbone au CEREGE continue de travailler sur de nouvelles séries d’arbres subfossiles du Sud-Est des Alpes (collaboration avec l’IMBE) et des archives marines. Nous nous concentrons sur la variabilité du 14C à la surface des océans qui est un indicateur des échanges gazeux air-mer et du mélange du carbone dans l’océan. Nous débutons un projet de recherche collaborative internationale (ANR MARCARA avec l’Institut Alfred Wegener de Bremerhaven) focalisé sur l’observation et la modélisation numérique pour des sites clés des principaux océans au cours de périodes climatiques contrastées des 50 000 dernières années dont le rôle sur le cycle du carbone est encore mal compris.

Edouard Bard a également abordé ce sujet dans un podcast pour Science.

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Professeur au Collège de France, Membre de l’Académie des Sciences, CEREGE (Aix-Marseille Université, CNRS, IRD, INRAE, Collège de France)