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Education : tous égaux ?

Olivier Marty, maître de conférences rattaché au laboratoire Apprentissage, Didactique, Evaluation et Formation, vient interroger les inégalités éducatives par le prisme du projet éducatif que les parents ont pour leurs enfants et les difficultés qui peuvent en découler. 

Temps de lecture : 4 minutes

Education et reproduction sociale

Lorsque l’on parle d’inégalités éducatives, l’on pense souvent aux institutions d'apprentissage de l'Etat telles que les écoles par exemple. Bien que ces dernières soient ornées de la devise républicaine « Liberté, Egalité, Fraternité », force de constater que ce n’est pas parce que l'enseignement dispensé dans les écoles et les établissements publics est gratuit et obligatoire jusqu’à 16 ans, que l’égalité est atteinte.

Là où l’on voudrait croire que l’école libère de sa condition familiale et mettrait chacun sur un pied d’égalité, il ne faudrait pas oublier que chaque personne est également contrainte par l’environnement dont il provient, notamment familial. 

Le phénomène sociologique de « reproduction sociale » proposé par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron dans Les Héritiers, montre que la position sociale des parents constitue un héritage pour les enfants. Cette reproduction peut aussi se retrouver dans le cadre des métiers. Selon l’INSEE, en 2014, 47% des fils de cadres supérieurs étaient eux-mêmes cadres supérieurs, contre moins de 10% des enfants d’ouvriers par exemple. 

Verbaliser le projet éducatif via le choix du prénom

Suite à ce constat, il est courant de se référer à la catégorie socio-professionnelle (CSP) pour imaginer la trajectoire éducative et employée d’un enfant. Olivier Marty propose de se concentrer davantage sur le projet éducatif qu’ont les parents pour leur enfant, plutôt que leur CSP. Par exemple, les parents qui seraient plutôt de catégorie socio-professionnelle élevée, mais qui n’ont pas de projet concret pour leur enfant, auront donc un enfant qui va avoir des difficultés à matérialiser ce projet par des choix de formation et d’emploi. Alors que dans le cas de parents qui sont d’une CSP plus modeste, mais qui ont des ambitions et un projet fort pour leur enfant, celui-ci va pouvoir plus facilement s’en emparer et le réaliser. Le milieu social d’origine n’agirait donc sur l’enfant et sa condition scolaire que par l’intermédiaire du projet éducatif des parents.

Reste à définir ce qu’on entend par ce « projet éducatif ». Qu’est-ce que cela veut dire d’avoir un projet pour son enfant ? Cela peut être des attentes en termes d’épanouissement, de bien-être, ou bien de statut ou encore d’emploi particulier. Dans ses travaux, Olivier Marty a choisi de se concentrer sur une variable : le prénom. Celui-ci manifesterait plus ou moins consciemment l’intention socioéducative des parents. Cela peut notamment se refléter dans les travaux de Baptiste Coulmont, sociologue, professeur à l'École normale supérieure Paris Saclay et chercheur à l'Institut des sciences sociales du politique, qui a mené une étude qui croise les prénoms, ainsi que les résultats au bac entre 2012 et 2020.

Une difficulté : avoir un projet en décalage avec l’environnement 

L’idéal type étudié ici correspond à un enfant unique qui cherche à devenir ce qu’on attend de lui. L’un des problèmes rencontrés est que l’attente des parents peut se retrouver en décalage avec l’environnement dans lequel évolue l’enfant (école, rencontres, etc.) Or, lorsque l’on rentre en décalage avec son environnement, il y a une difficulté à devenir soi-même. Cela représente la principale inégalité à laquelle les enfants font face. Soit le projet des parents concorde avec l’environnement et les moyens mis à disposition et il ne reste plus qu’à le réaliser aisément, soit le chemin à parcourir sera plus long et difficile.

Ce projet dit de « devenir soi-même » correspond au soi-parental, c’est-à-dire la socialisation primaire effectuée par les parents. Le projet peut entrer en dissonance lors des processus de socialisation secondaire tels que les rencontres, les amis de longue date, etc.

L’école, un instrument parmi d’autres pour se réaliser

Au fond, l’école n’est donc qu’un instrument parmi d’autres pour que l’enfant puisse réaliser les ambitions des parents. Un enfant peut réussir à l’école, car ses parents lui mettent la pression, ce qui peut à la fois être vu par le prisme du soutien des parents, mais également par le prisme de la souffrance face à cette même pression. D’autres élèves vont réussir à l’école, parce qu'il y a une adéquation entre le projet éducatif et leur environnement. 

Finalement, l’inégalité scolaire peut être avant tout vue comme une inégalité face aux pressions exercées par la famille dans le cadre du projet éducatif. L’enfant a donc la lourde tâche de devenir qui il est, ce qui est d’autant plus difficile que l’ambition des parents est importante et en désaccord avec l’environnement. Ainsi, tous ne sont pas égaux dans le processus de devenir soi-même, bien que l’école fournisse un socle commun. 

Une recherche à approfondir 

Il va sans dire que dans le cadre de cette recherche, il y a beaucoup de présupposés tels que les schémas familiaux, la place dans la fratrie… Cette idée que les parents verbaliseraient le projet éducatif sous la forme du prénom qu’ils choisissent de donner à leur enfant ne représente finalement qu’un indicateur parmi d’autres à étudier. Il reste encore à vérifier si cette variable est représentative statistiquement en développant davantage de recherches. 

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Marty
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Olivier
Fonction
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Maître de conférences HDR au laboratoire Apprentissage, Didactique, Evaluation et Formation (EA 4671)
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