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Les préférences conjugales des parents en Chine

En Chine, les parents continuent de jouer un rôle prépondérant dans le choix des partenaires de leurs enfants. Les chercheurs Eva Raiber, Weiwei Ren, Jeanne Bovet, Paul Seabright et Charlotte Wang se sont penchés sur leurs préférences et l’adéquation avec le souhait de leurs enfants. 

Temps de lecture : 4 minutes

Chaque samedi au parc Green Lake à Kunming, en Chine, se déroule un « marché du mariage ». Les parents s’y rencontrent pour discuter et rechercher un partenaire pour leurs enfants célibataires. Des feuilles de papiers sur les murs du parc indiquent leurs âges, leurs situations professionnelles ou encore les biens qu’ils possèdent. On peut également y consulter les informations des autres participants ou contacter les agences matrimoniales présentes sur place. Si ce genre de pratiques se multiplie dans les villes du pays le plus peuplé du monde avec 1,4 milliard d'habitants, c’est parce que la Chine fait face à un problème de société encore inconnu il y a quelques années : l'augmentation du célibat et le recul de l’âge du mariage.

La littérature économique a beaucoup décrypté les préférences des partenaires, notamment à travers l’étude des sites de rencontre. Les chercheurs Eva Raiber, Weiwei Ren, Jeanne Bovet, Paul Seabright et Charlotte Wang mettent en évidence l'importance des préférences parentales dans le processus de sélection d'un conjoint, alors que près d’un tiers des couples mariés entre 1980 et 2014 en Chine ont été présentés l’un à l’autre par des parents ou des proches.

À propos

Dialogues économiques est une revue numérique de diffusion des connaissances éditée par Aix-Marseille School of Economics (AMU, CNRS, EHESS, Centrale Méditerranée) Passerelle entre recherche académique et société, Dialogues économiques donne les clefs du raisonnement économique à tous les citoyens. Des articles sont publiés tous les quinze jours.

Ils ont interrogé les parents du parc de Kunming à propos des caractéristiques telles que l'âge, le niveau d'éducation, le revenu, l'ethnicité et la propriété immobilière qu’ils recherchent chez les partenaires potentiels en leur montrant des profils hypothétiques. Ils ont ensuite comparé ces préférences aux résultats réels des mariages dans la population générale et avec les préférences d’un groupe d’étudiants recueillies de la même manière.

Les normes sociales et l’État pèsent de tout leur poids

Dans la République Populaire de Chine, le mariage est traditionnellement considéré comme extrêmement important dans la société chinoise et il est encore perçu par les parents comme une étape essentielle de la vie adulte. Découlant des préceptes du confucianisme, il est largement conçu comme un accord entre familles plutôt qu'entre individus. Jusqu’à la moitié du XXe siècle, les mariages “arrangés” étaient monnaie courante. Lorsque le Parti communiste chinois (PCC) prend le pouvoir en 1949, il déclare l'égalité des sexes ainsi que la nécessité d'un mariage basé sur le consentement mutuel des deux époux. Ce n’est plus la famille, mais le parti qui édicte les règles pour se marier, choisir son époux ou divorcer. Jusqu’en 2003, les couples désireux de se marier devaient par exemple obtenir l’autorisation de leur unité de travail.

Dans les années 1980, le PCC veut réduire le taux de natalité du pays. La politique de l’enfant unique, mise en place dans les années 80 et consacrée dans une loi en 2001, rigoureusement appliquée durant plus de 30 ans, limite la majorité des couples à un enfant en milieu urbain (souvent deux en milieu rural si le premier enfant est une fille). Nombreux sont ceux qui choisissent de privilégier un enfant de sexe masculin. Cette politique contribuera à déséquilibrer fortement l’équilibre hommes-femmes. Avec 104,9 hommes pour 100 femmes en 2010, la Chine présente, après l’Inde, le rapport de masculinité le plus élevé au monde.

Aujourd’hui, 240 millions de personnes y vivent seules, soit une sur six, selon le dernier recensement de 2018. Le taux de mariages a connu en 2022 son plus bas niveau depuis 1986, avec seulement 6,8 millions de cérémonies, selon les données officielles, soit 800 000 de moins qu’en 2021. En plus du déficit de femmes, une partie de la nouvelle génération, à contre-courant de leurs aînés, ne voit plus dans le mariage l’accomplissement familial, social et économique ultime, bien que les personnes célibataires, hommes comme femmes, soient parfois stigmatisées. En 2007, le gouvernement chinois a officiellement introduit dans son lexique le terme Sheng-nu [(剩女; shèngnǚ, lit. « femmes qui restent »], un terme péjoratif populaire pour décrire les femmes célibataires de plus de 27 ans. 

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Raiber
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Eva
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Auteur scientifique, Aix-Marseille Université, Faculté d'économie et de gestion, AMSE
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Vinchon
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Journaliste scientifique