A la découverte de la gestion intégrée des plages

Fanny Trifilieff : Qu’est-ce que la gestion intégrée de plages ?

Brieuc Cabioch et Samuel Robert : Gérer une plage de façon « intégrée » implique de considérer ensemble ses différentes composantes, telles que la dynamique sédimentaire, la qualité de l’eau, les usages, la fréquentation, et de les envisager suivant une approche systémique. La gestion intégrée des plages s’inscrit dans le développement durable et découle de la gestion intégrée de la zone côtière (GIZC), qui est un cadre de référence en matière de gestion des littoraux depuis les années 1990. Abordant à la fois des problématiques écologiques, sociales et économiques, cette approche implique également de considérer la pluralité des acteurs (décideurs, citoyens, scientifiques, etc.) dans l’élaboration de la gestion. Le concept de « gestion de plages » apparaît relativement récemment dans la littérature scientifique, principalement à partir des années 2000, avec une multiplication des articles ces dernières années.

F.T : Quelles sont les interactions à prendre en compte entre les villes et les plages ?

B.C et S.R : Dans notre article, nous nous sommes plus particulièrement intéressés aux villes de plus de 500 000 habitants, qui présentent des caractéristiques distinctes des stations balnéaires, plus petites, qui sont plus largement étudiées. Dans les « grandes villes », maintenir des espaces de plage dans un contexte de concurrence avec d’autres activités situées sur le littoral (portuaires ou industrielles par exemple) représente un véritable défi pour les pouvoirs publics. Ici, il s’agit non pas de plages naturelles, mais de plages directement intégrées dans la ville et qui sont fréquentées toute l’année. Les interactions à considérer entre la plage et le territoire où elle se situe sont donc multiples : influence du réseau d’eaux usées sur la qualité des eaux, des aménagements côtiers sur la dynamique sédimentaire, de la densité de population sur la fréquentation, de la desserte des transports en commun sur l’accessibilité, etc. La gestion des plages dans les grandes villes doit à la fois satisfaire des attentes sociales élevées tout au long de l’année, tout en affrontant les enjeux de la pression urbaine sur l’environnement littoral et ceux du changement climatique.

F.T : Qu’est-ce qui ressort de votre étude ?

B.C et S.R : L’objectif de cette étude était de montrer les spécificités des plages et de leur gestion dans les grandes villes et d’interroger comment les interactions entre la plage et la ville sont traitées dans la littérature. Nous voulions savoir dans quelle mesure les travaux scientifiques abordent cette dimension intégrée de la gestion des plages dans les grandes villes. Nos résultats montrent que la ville est le plus souvent considérée comme un contexte et n’est pas l’objet de la recherche. Ensuite, nous avons relevé une prédominance des approches sectorielles dans les articles, qui ne considèrent le plus souvent qu’une seule dimension de la gestion (écologique, sociale, économique). Aussi, les relations entre scientifiques et acteurs gestionnaires transparaissent peu dans ces travaux, ce qui va à l’encontre des principes de la GIZC. A Marseille, nous tentons d’être dans cette démarche en travaillant avec la Direction de la Mer de la Ville, dans le cadre de l’Observatoire Hommes-Milieux Littoral Méditerranéen du LabEx DRIIHM. Les relations science-société sont en effet un facteur important de réussite de la gestion intégrée des plages et du littoral, et plus généralement de l’environnement.