Les chercheurs du Laboratoire Arthrites Autoimmunes (Aix-Marseille Université/Inserm) proposent un modèle pour le développement des auto-anticorps anti protéines citrullinées qui caractérisent la polyarthrite rhumatoïde.
Ce qu'il faut retenir :
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Une maladie articulaire destructrice
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie articulaire destructrice qui touche environ 0,5% de la population mondiale. Elle est dite « auto-immune » parce que le système immunitaire, supposé nous défendre, se retourne contre nous et détruit les articulations. À l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement qui puisse guérir ces patients.
La maladie est précédée par l’apparition d’anticorps anti-protéines citrullinées (ACPAs). Ceux-ci sont présents chez deux tiers des patients et peuvent apparaître jusqu’à 15 ans avant les premiers signes de la maladie. Les ACPAs sont soupçonnés de provoquer la polyarthrite rhumatoïde. Ainsi, découvrir le mécanisme par lequel ils se développent est essentiel pour comprendre et trouver un moyen de prévenir ou guérir la maladie.
Les ACPAs reconnaissent des résidus citrulline présents sur de nombreuses protéines. La citrulline est un acide aminé, c’est-à-dire l’un des éléments qui compose les protéines. Au départ, c’est une arginine qui est transformée en citrulline par une enzyme : la peptidyl arginine deiminase (PAD). Cette modification peut s’observer chez l’ensemble des humains, mais seuls les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde développent des anticorps anti-protéines citrullinées.
Un mécanisme d’apparition encore mystérieux
Le mécanisme qui cause l’apparition des ACPAs est encore inconnu. Normalement, la production d’anticorps dirigés contre un antigène, autrement dit une substance capable de déclencher une réaction immunitaire, nécessite une activation préalable des lymphocytes T contre ce même antigène. Or, ici, la production des anticorps anti-protéines citrullinées est particulière : même s’ils reconnaissent un très grand nombre de protéines citrullinées (les antigènes), la réponse lymphocytaire T contre les protéines citrullinées est difficile à détecter.
Les chercheurs du Laboratoire Arthrites Autoimmunes ont émis l’hypothèse que les lymphocytes T sont activés par l’enzyme PAD par un mécanisme classique appelé Hapten/Carrier. Dans ce modèle, le « carrier », ou porteur, est l’enzyme PAD qui aide au développement d’anticorps contre les protéines citrullinées, le « hapten », qui lui sont couplées.
Ce modèle a été démontré chez la souris : des souris normales injectées avec l’enzyme PAD produisent des anticorps anti-protéines citrullinées et l’activation des lymphocytes T est dirigée contre l’enzyme PAD et non contre les protéines citrullinées. Les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, ont des réponses lymphocytaires T et anticorps dirigées contre l’enzyme PAD.
Le laboratoire a donc montré que la réponse immunitaire contre l’enzyme PAD entraîne la production des anticorps anti-protéines citrullinées. Ils développent actuellement une thérapie pour bloquer la réponse immunitaire contre l’enzyme PAD et donc empêcher la production des ACPAs. Ces recherches pourraient mener à un traitement curatif ou préventif de la polyarthrite rhumatoïde.
Référence : Roudier J, Auger I. « How does citrullination contribute to RA autoantibody development? » Nat Rev Rheumatol. 2023 Jun;19(6):329-330. doi: 10.1038/s41584-023-00959-9. PMID: 37016165.
Cet article a été publié le 2 novembre 2023.